La Matière Médicale

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1 - Définition

2 -Historique

3 - Exemple d'emploi de la matière médicale médiévale :  soins apportées aux blessures par flèches après extraction du trait

1 - Définition

    Au sens  large du terme, la  Matière médicale [ le terme de Matière médicale vient du  De Materia medica , traduction latine au XV° du traité de Dioscoride, écrit en 77 après JC. A ctuellement ce terme tend à être remplacé par Pharmacognosie (du grec  pharmacon ,médicament et gnôsis , connaissance) créé en 1815 par Seydler  dans " Analecta Pharmacognostica " ]   est l'étude de l'ensemble des  matières premières à usage médical.

 2 - Historique [d'après Paris et Moyse (1971)].

    2.1 - Des origines au Moyen - Age 

    Bien que  le terme de Matière médicale date de l' Antiquité ,son contenu remonte à l'aube de l'humanité. Il est à peu près certain que l'Homme préhistorique, déjà, connaissait les vertus, en particulier, de certaines substancesvégétales.
    Cette connaissance , empirique au début ( et elle l'est restée jusqu'à l'époque moderne pratiquement ), était transmise oralement. Les plus anciennes preuves écrites (4000 ans avant J.C.) sont rencontrée sur les tablettes cunéiformes (de Gilgamesh, par exemple, conservées pour certaines au British Museum) où on trouve mentionné l'emploi de substances telles absinthe, asse fétide, galbanum, jusquiame, opium, etc… L'Egypte (comme le montre par exemple le fameux papyrus Ebers, datable avant J.C.) employait la gomme d'Acacia, l'encens, la myrrhe, etc. Toutes les civilisations anciennes accordaient beaucoup d'importance aux substances médicales (surtout celles d'origine végétale). Rappelons, par exemple, le rôle joué par le fameux Peyotl, cactus aux propriétés hallucinatoires, parmi les populations amérindiennes ( les Aztèques du Mexique autres ) où il était utilisé dans les rites initiatiques et religieux, mais également dans les interventions chirurgicales.

    Les Grecs héritèrent, par l'intermédiaire des Perses, de certaines drogues orientales. Hippocrate employait, par exemple, des narcotiques tels opium, jusquiame, mandragore. C'est à Dioscoride, Grec né en Asie mineure ( 1er siècle après J.C.) que l'on doit un répertoire remarquable de substances d'origine végétale, animale et minérale, qui fit autorité jusqu'à la fin du Moyen.-Age.
    Dans le monde antique, il faut citer l'apport, non négligeable dans le domaine de la Matière médicale, de Celse, Pline et Galien.

    2.2 - Le monde médiéval

    Du V° au XI°, l'Europe occidentale traverse une période, considérée ( abusivement d'ailleurs ) comme "la longue nuit du Moyen - Age". La matière médicale (surtout végétale) existe, mais essentiellement dans un contexte magico - démoniaque.
    Il faut cependant noter que là, de même que dans la pratique médico - chirurgicale, ce sont les religieux seuls détenteurs de la connaissance de langue latine ( le grec est peu connu sauf de quelques érudits ) qui assurent la transmission de l'héritage pharmacologique antique. Le jardin des monastères est, par excellence, le lieu de culture des plantes médicinales. Mais c'est essentiellement le monde arabe médiéval qui va, le premier, tenter de codifier, d'une manière scientifique, la pharmacognosie, entre les VIII ° et  XIII° siècles. Parmi des noms fameux comme ceux d' Avicenne, Avenzoar, Averrhoes, Rhazès, il faut citer Al - Biruni, le grand savant arabe qui a illustré le XI °. Astronome, mathématicien, physicien, géographe, historien, linguiste, philosophe, poète, il fut aussi cet immense pharmacologiste dont la renommée lui valut le titre de "père de la pharmacopée arabe dans le monde médiéval" . Sa Pharmacopée témoigne d'une méthode de classification des végétaux [ que Linné retrouvera.. sept siècles après, en "inventant" la classification binominale (  Genre et espèce )]! Par ailleurs, dans l'exposé des propriétés médicinales, il a eu le mérite d'indiquer le nom arabe de chaque plante mais également l'équivalent en grec et en latin, ce qui facilite l' identification botanique. Son remarquable travail fut imité, au XIII°, par un autre pharmacologiste arabe Ibn - Beitar qui décrivit quelques 1500 drogues, en grande partie végétales.
    Cet ouvrage parvint à la connaissance du monde occidental par le biais d'une traduction latine (dont l'auteur est inconnu), le "Corpus simplicium medicamentarum ".
    L'importance de l'école arabe ne permet pas cependant de négliger pour autant l'Europe, et en particulier la fameuse école italienne de Salerne (  fondée par Charlemagne) dont la renommée fut très grande entre le XI° et XIV°. En son sein furent écrites plusieurs oeuvres concernant les principales drogues en usage à cette époque : Liber de simplici medicina ; Antidotarium ; Flos medicinae.
    En France, dès le XII°, les apothicaires ( auxquels Saint-Louis donna un statut en 1258 ) sont les seuls autorisés à préparer et à vendre des drogues. Les Grandes Croisades permirent l'introduction de plantes jusqu'alors inconnues. Il en fut de même lors de la découverte du continent américain ( Christophe Colomb, 1492 ) et de la Route des Indes ( Vasco de Gama, 1498 ).

3 - Exemple d'emploi de la matière médicale médiévale :  soins apportées aux blessures par flèches après extraction du trait.

    Systématiquement, après extraction du trait, il est recommandé dès l’Antiquité « de répandre sur les blessures des remèdes adoucissants» ( Homère ). Les chirurgiens médiévaux ne vont, évidemment pas déroger à cette habitude et on note à la lecture des textes médicaux l’importance attribuée à toutes les substances à usage médical et , en particulier aux topiques cutanés. : « Si, la blessure a été souillée par un poison, il faut la nettoyer et la recoudre rapidement (...). Si le malade souffre, au niveau de la blessure, d’une tuméfaction intense comme le feu, on le phlébotomise [= saigner] et on applique sur la région, des roses, du bois de santal, de la sève de coriandre, d’endive, solanum, sempervirens et semblables » ( Constantin l’Africain ). 

    «Le fer extrait, on fait aussitôt un tampon de lard et on l’introduit. Si le lard ne suffit pas pour la trop grande profondeur, fais une bande de toile de lin, tu l’enduis de saindoux et ainsi tu l’introduis et tu poses dessus un petit coussinet de toile, de lin et tu l’attaches de telle façon que le bandage commence de l’endroit d’où le pus doit sortir (...). Si tu veux (..)que se produise le pus selon les variations saisonnières, mets un emplâtre (...). Après que le pus commencera à s’écouler et la blessure à se cicatriser, le tampon de lard va se réduire selon comment évoluent la guérison et la cicatrisation de la blessure »( Roger de Parme ).

    « Avant l’extraction, on applique les règles du début des plaies (...) phlébotomie ou ventousation, clystère ou suppositoire (...)et (que) le malade soit réglé avec diète froide et sèche et la boisson soit froide. La flèche étant extraite, il faut remplir la plaie avec des bourdonnets d’étoupe ou de lin trempés dans l’huile rosat, jaune d’ oeuf, safran mêlés et chauds (...)et que cela soit continué jusqu’à trois ou quatre jours. Ensuite on pratique mondification  [ mondificatif ], incarnation [ incarnatif ] et consolidation [ consolidatif ] comme il a été dit au traitement général des plaies »( Guillaume de Salicet ) .

    Afin de connaître les "drogues" utilisées au Moyen Age, il a fallu, une fois de plus, faire appel aux travaux des  chirurgiens médiévaux  choisis. Une liste de 176 substances a, pu ainsi, être établie. 

    3.1 - Substances utilisées.

Origine

Nombre

%

Végétale

145

82,4

Animale

15

8,5

Minérale

15

8,5

Pétrole

1

0,6

 Total

176

100

 

Chronologie

Auteurs

Subst.végétales

Subst. animales

Subst. minérales

Pétrole

X° / XI°

Abulcasis

23 ( 68 % )

5 ( 14 % )

6 ( 18 %)

 

 

Constantin

21 ( 88 % )

1 ( 4 % )

2 ( 8 % )

 

XII° / XIII°

Roger

32  ( 82 % )

4 ( 11 % )

2 ( 5 % )

1 ( 2 % )

 

Guillaume

115 ( 82 % )

11 ( 7 % )

15 ( 11% )

 

XIII°/ XIV°

Henri

68 ( 77 %)

9 ( 10 % )

11 ( 13 %)

 

 

Guy

112 ( 81 % )

12 ( 9 % )

13 ( 9%)

1 ( 1 % )


 

Usage

Subst. végétales

Subst. animales

Subst. minérales

Pétrole

Nombre

Externe

99

13

13

1

126 ( 72% )

Interne

23

1

 

 

24 ( 13 % )

Mixte

23

1

2

 

26 ( 15 % )

 Total

145

15

15

1

176

 

    Les 176 substances sont utilisées pour 72 % ( 126 ) d’entre - elles en usage externe, 13 % ( 24 ) le sont en usage interne et 15 % ( 26 ) en usage mixte.